D.ieu enseigne à Moché les lois de la « vache rousse ».

Après quarante ans d’errance dans le désert, le Peuple juif arrive dans le désert de Tsine. Myriam quitte ce monde et le peuple, privé du puits de Myriam, réclame de l’eau. C’est alors que Moché va frapper le rocher pour qu’en jaillisse de l’eau (au lieu de lui parler). L’eau jaillit mais ni Moché ni Aharon ne pourront entrer en Terre Sainte.

Aharon meurt et lui succède son fils Eléazar. Le peuple parle encore une fois contre D.ieu et Moché et une épidémie le frappe, enrayée par un serpent d’airain brandi par Moché.

Moché mène des batailles contre les rois Si’hon et Og, conquiert leurs terres, à l’est du Jourdain.

Dans la Paracha de cette semaine, nous découvrons que les Juifs se plaignirent à D.ieu et à Moché des aléas qui se produisaient au cours de leur périple : « Pourquoi nous as-tu sortis d’Egypte pour mourir dans le désert ? » Pour les punir, D.ieu envoya des serpents venimeux, qui mordirent à mort de nombreux hommes. Le peuple s’adressa alors à Moché : « Nous avons péché en parlant contre D.ieu et toi ; prie D.ieu pour qu’il fasse fuir de nous les serpents ». Le texte nous dit alors que « Moché pria pour le peuple ». Rachi, dans son commentaire des mots « Moché pria », explique : « D’ici (nous apprenons) que celui à qui l’on demande pardon ne doit pas être cruel en ne pardonnant pas ».

Les mots de Rachi impliquent que c’est spécifiquement ce verset qui nous donne cet enseignement. Et pourtant, la Torah nous apporte plusieurs exemples de situations où les Juifs protestèrent contre Moché et ce dernier n’en pria pas moins pour eux. Pourquoi donc Rachi écrit-il que c’est « d’ici (que nous apprenons) » à adopter une telle conduite ?

La question se renforce encore lorsque nous examinons la source du commentaire de Rachi : le Midrach Tan’houma. Après avoir énoncé ce qui précède, le Midrach poursuit : « Cela est comparable à ce qui est dit (Beréchit 20 :17) : ‘Avraham pria D.ieu et D.ieu guérit Avimélè’h et sa femme, etc.’ » Cela se réfère à l’épisode au cours duquel Avimélè’h avait enlevé Sarah et fut en conséquence atteint d’une plaie. Avimélè’h donna alors des présents à Avraham pour qu’il prie pour lui, ce que fit Avraham. Nous voyons donc qu’Avraham avait pardonné à celui qui lui avait adressé des excuses.

Pourquoi Rachi se sert-il donc de cet épisode avec les serpents pour affirmer que : « d’ici (nous apprenons) que celui à qui l’on demande pardon ne doit pas être cruel en ne pardonnant pas ».

Allons encore plus loin. L’emphase sur une telle conduite est bien plus importante dans le cas d’Avraham que dans celui de Moché. L’insulte portée à Avraham par l’enlèvement de Sarah était plus grave que l’affront infligé à Moché et pourtant Avraham pria pour Avimélè’h.

Par ailleurs, Avimélè’h fut guéri sans conditions alors que dans le cas de notre Paracha, la guérison ne survint que sous une condition : « L’Eternel dit à Moché : fabrique pour toi (une représentation d’) un serpent venimeux et place-le sur un poteau ; et tous ceux qui auront été mordus le regarderont et vivront ».

Pour répondre à la question, il nous faut analyser un autre point. Après que Moché eut prié pour le peuple, D.ieu lui dit « fabrique pour toi (une représentation d’) un serpent venimeux ». Pourquoi est-il enjoint : « fabrique pour toi » et non simplement « fabrique… » ?

Nous trouvons un autre exemple d’une telle expression, dans la Paracha Beaalote’ha (Bamidbar 10 :2). D.ieu dit à Moché : « Fabrique pour toi deux trompettes d’argent » et Rachi de commenter que « fabrique pour toi » signifie : « de ce qui t’appartient ».

Ainsi « fabrique pour toi (une représentation d’) un serpent venimeux » signifierait que le matériau (l’airain) à partir duquel le serpent serait forgé devrait provenir des ressources personnelles de Moché (« de ce qui t’appartient »).

Cependant, les trompettes avaient pour destination : « qu’ils soufflent devant toi dans les trompettes, comme (pour) un roi ». Et elles ne pouvaient être utilisées que pour Moché. Il est donc compréhensible que l’argent utilisé pour ces trompettes vienne des richesses personnelles de Moché. Mais dans le cas du serpent d’airain, il ne semble pas y avoir de justification pour que Moché aille puiser dans ce qui lui appartient. En fait, ce serpent avait pour but de guérir ceux qui avaient été mordus parce qu’ils avaient parlé contre Moché. N’aurait-il donc pas été plus approprié que l’airain soit donné par toute la communauté et non par Moché !

En réponse à cette question, Rachi commente les mots « Moché pria » en disant : « d’ici (nous apprenons) que celui à qui l’on demande pardon ne doit pas être cruel en ne pardonnant pas ».

« D’ici » signifie que tout le passage concernant la prière de Moché pour les Juifs, y compris le commandement de D.ieu : « fabrique pour toi (une représentation d’) un serpent venimeux » nous apporte un nouvel enseignement : nous ne devons pas être cruels au point de ne pas pardonner à celui qui nous adresse ses excuses.

Le fait que l’on ne refuse pas le pardon à celui qui le demande n’est pas le nouveau concept tiré de ce passage. Comme nous l’avons vu, Avraham l’avait fait. Mais ce qui est ici inédit est : « il ne doit pas être cruel en ne pardonnant pas ».

Il est possible, quand l’on nous demande pardon, que nous disions que nous pardonnons et que nous soyons même prêts à rendre service (par exemple prier pour la personne). Et pourtant, nous ressentons toujours du ressentiment dans notre cœur. Un tel pardon est qualifié de « cruel » : si celui qui a été blessé n’agit pourtant pas de la même manière à l’encontre de son agresseur et qu’il est même prêt à prier pour lui, pourquoi ne se débarrasserait-il pas également du ressentiment de son cœur ? Garder de la rancune est un comportement cruel !

Telle est la leçon de l’épisode des serpents. Le commandement de D.ieu à Moché : « fabrique pour toi… », « de ce qui t’appartient », nous enseigne à quel point il est important d’enlever de notre cœur toute trace de ressentiment, de rancœur et d’amertume. Le serpent d’airain, dont le but était de guérir ces Juifs qui avaient mal parlé de Moché Rabbénou, devait provenir précisément des possessions de Moché pour prouver qu’il ne leur tenait en aucune façon rancune pour leurs agissements.