Depuis que j’étais toute petite, raconte Esther Lipshitz de Nahariya en Israël, c’est un peu mon oncle Yossef qui m’avait élevée. Il me considérait vraiment comme sa fille, m’avait inscrite aux colonies de vacances Gan Israël du mouvement Loubavitch et c’est grâce à cela que je suis devenue pratiquante. Avec mon mari, nous avons fondé une famille ‘hassidique à part entière qui nous donne toute satisfaction.
« L’année dernière, j’ai vécu un épisode éprouvant. Mon père, Sim’ha est un homme d’affaires prospère qui vit au Brésil. Un jour, il a été kidnappé par des malfaiteurs qui exigeaient une énorme rançon pour sa libération – comme cela est hélas courant dans ce pays. Je me trouvais en Israël à ce moment-là mais mon frère se trouvait à Crown Heights, Brooklyn, New York. Il a immédiatement envoyé son fils prier au Ohel, au cimetière Montefiore où est enterré le Rabbi. Il était deux heures du matin et au même moment, les brigands ont laissé repartir mon père. C’était un miracle incroyable car, d’habitude, les kidnappeurs ne se gênent pas pour torturer leur victime ou même la tuer si leurs exigences ne sont pas remplies.
Quand j’ai pu parler avec mon père, il était évidemment encore très éprouvé mais m’a raconté qu’il s’était senti rassuré quand il avait réalisé que, dans son porte-monnaie, se trouvaient deux billets d’un dollar du Rabbi (il en avait reçu un troisième qu’il m’avait remis quand je m’étais installée en Israël). Cette pensée l’avait presque soulagé : certainement le Rabbi le protégerait.
Mais bien évidemment, ses ravisseurs lui avaient volé son porte-monnaie et ne le lui avaient pas rendu : il devait s’estimer heureux de ne pas avoir été torturé et d’avoir été libéré ! Cependant, il se sentait malheureux d’avoir perdu ces deux billets du Rabbi.
Cela me rappela que, moi aussi, j’avais perdu toute une liasse de dollars du Rabbi. Dans ma jeunesse, j’avais reçu plusieurs fois de sa main des billets d’un dollar (à remettre à la Tsedaka – ou leur contrepartie) ainsi que des fascicules de Torah. C’était un petit paquet que j’emportais toujours dans mes bagages. A une époque, j’avais aidé des Chlou’him (émissaires du Rabbi) en Caroline du Nord pendant plusieurs années, j’avais enseigné à leurs enfants et aux enfants du Talmud Torah. J’avais aidé à la préparation des grandes soirées féminines, j’avais donné des cours de Torah à des dames de la communauté… En 1990, j’étais repartie au Brésil en laissant mon petit paquet en Caroline car je pensais y revenir. Puis j’avais réalisé qu’en fait, je n’y retournerai pas de sitôt et j’avais envoyé un fax à ces Chlou’him pour qu’ils me renvoient mes affaires et, en particulier, ce paquet auquel je tenais beaucoup. Ils l’avaient cherché partout mais ne l’avaient pas retrouvé et s’en excusaient. J’en avais ressenti une grande peine mais je ne pouvais rien y faire. Les années passèrent, je me suis installée en Israël, je me suis mariée, j’ai fondé une famille et j’avais presqu’oublié cet épisode.
Quand mon père m’a raconté qu’on lui avait volé ses dollars, mes souvenirs sont remontés à la surface : j’aurais tant voulu retrouver mes propres billets pour pouvoir lui en donner deux, pour remplacer ceux qu’il avait perdus !
Le même mois, mon neveu Moché qui habite à Crown Heights est venu comme tous les jours prier au 770, la synagogue du Rabbi. Alors qu’il pliait son Talit et ses Téfilines, un jeune étudiant de Yechiva s’est approché de lui et lui dit : « Je vois que sur votre sac de Téfilines, il est brodé que vous vous appelez Savouya… Vous êtes peut-être en famille avec Esther Savouya ? Oui ! Alors téléphonez-moi à tel numéro… Bien sûr, mon neveu m’a aussitôt transmis l’information et mon fils a téléphoné au numéro indiqué : il s’agissait du fils de ces Chlou’him de Caroline du Nord, un de ceux à qui j’avais enseigné la Paracha de la semaine des années auparavant quand il n’était qu’un petit garçon… Dernièrement, il avait rangé un peu de désordre qui s’était accumulé dans la demeure de ses parents et, vous l’avez deviné, il avait retrouvé mon paquet de dollars et les fascicules du Rabbi.
Au bout de vingt ans, j’ai enfin pu récupérer mon bien le plus précieux !
Esther Lipshitz – Kfar Chabad N° 1879
Traduite par Feiga Lubecki