Confinement et couvre-feu obligent, le mot « zoom » est devenu non seulement une expression courante mais même un élément structurant de nos activités, presque de notre vie, dans l’étrange période que nous traversons. Où se rencontre-t-on, où se voit-on, où échange-t-on ? Sur « Zoom » dit-on. Et, lorsqu’il est question d’étude de la Torah, évidemment indispensable à chacun, c’est encore sur « Zoom » qu’elle est installée ! Le naïf est alors surpris à interroger : où se trouve donc cette agora, ce forum, cette place publique, ce lieu mythique où tout ce qu’on croyait perdu pour cause de Covid se retrouve ? Comment s’y rend-on, est-il donc ouvert à tous, cet endroit où le concept de « vie sociale » fait toujours sens ? Nous le savons, c’est un lieu qui n’existe pas, un emplacement de notre temps, virtuel et numérique. Il possède pourtant quelque chose de grand.

Il suffit de regarder au dehors. Les conditions générales évoluent dans un sens qui conduit à toujours plus de limitations. Certes, il s’agit de santé publique et les mesures prises, aussi désagréables soient-elles, répondent à une menace précise. Cependant, malgré leur légitimité, elles ne peuvent que soulever une nostalgie croissante : comme le monde d’avant l’épidémie était convivial et plus heureux ! Il est vrai que le recul est pour beaucoup dans une telle appréciation et qu’on en ressentait moins la pertinence quand nous y étions. Cela n’y change rien fondamentalement : la nostalgie est bien là avec, inéluctablement, une envie de révolte qui émerge peu à peu. Alors « Zoom » arrive. Recréer ce que l’épidémie a fait disparaître. Pouvoir parler et partager. Pouvoir discuter face à face et à distance à la fois, et voir les expressions du visage. Presque un miracle.

De fait, il y a un peu de prodige ici. Alors que la période est à la coupure, à l’enfermement en soi-même, la recherche de lien et d’unité reste la plus forte. Il faut être bien profondément sensible à cette dernière idée pour parvenir à lui donner vie réelle, même ainsi. Les outils technologiques n’ont ni valeur ni morale propre. Ils sont ce que nous en faisons. Restaurer l’union entre les hommes, renouer les liens distendus, faire que l’étude collective ne soit pas seulement un regret ou un espoir, préserver la volonté d’avancer ensemble, c’est à ce rendez-vous multiple que nous sommes conviés. Donnons donc de la chair à nos rêves. L’unité, cela se vit. Ce qui est virtuel aujourd’hui sera concret demain.