Délaissant la Présence divine venue lui rendre visite, trois jours après sa circoncision, Avraham se précipite pour accueillir trois invités. Ils ne sont autres que trois anges à l’apparence humaine. L’un annonce que, dans un an, Sarah, encore stérile, mettra au monde un enfant. Sarah en rit.
Avraham plaide pour la survie de la ville impie de Sodome dont un autre ange lui a annoncé la destruction.
Deux des trois anges se rendent à Sodome pour sauver Loth, le neveu d’Avraham, et sa famille. La femme de Loth est transformée en pilier de sel pour avoir enfreint l’interdiction de regarder en arrière la ville en feu.
Les deux filles de Loth (pensant qu’elles et leur père sont les seuls survivants dans le monde entier) l’enivrent et tombent toutes les deux enceintes. Elles donneront chacune naissance à un garçon. Ces deux enfants deviendront les ancêtres des nations de Moav et d’Amon.
Sarah est prise en otage par Avimélè’h mais il la libère après les avertissements divins qui lui sont apparus en rêve.
Its’hak (« il rira ») naît et est circoncis à huit jours. Avraham a cent ans et Sarah quatre-vingt-dix ans.
Hagar et son fils Ichmaël sont bannis de chez Avraham et errent dans le désert. D.ieu entend le cri du jeune garçon mourant et lui sauve la vie en montrant un puits à sa mère.
D.ieu teste le dévouement d’Avraham en lui commandant de sacrifier son fils sur le Mont Moriah (le Mont du temple), à Jérusalem. Its’hak est lié et placé sur l’autel et Avraham lève son couteau. Une voix se fait alors entendre du Ciel et lui ordonne d’arrêter. Un bouc, emprisonné par ses cornes dans des buissons, est offert à la place.
Avraham apprend la naissance d’une fille, Rivkah, chez son neveu Bethouël.
Le rire de Sarah
L’un des mystères de notre Paracha réside dans la manière dont Sarah reçut la nouvelle qu’elle allait être mère, à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Il est écrit dans la Torah : « Et Sarah rit en elle-même, disant : ‘ Après avoir flétri, aurai-je encore une peau claire ? Et mon mari est vieux ! » (Béréchit XVIII,12)
La Torah poursuit par les mots avec lesquels D.ieu s’adressa à Avraham : « Pourquoi Sarah rit-elle en disant : ‘Est-il vrai que j’enfanterai alors que je suis vieille ?’ Au temps fixé, Je reviendrai vers toi, au même moment, l’année prochaine, il y aura de la vie, et Sarah aura un fils. »
Un examen attentif du texte semble impliquer que Sarah exprimait des doutes, ironisant presque sur son aptitude à avoir un enfant.
Comment une femme aussi juste que Sarah pouvait-elle exprimer de telles incertitudes ?
Et cette question se renforce encore à la lecture de Rachi qui nous informe que Sarah était encore plus grande qu’Avraham, dans le domaine de la prophétie. Un prophète a la tête dans les cieux et ses pieds sont fermement implantés dans la terre. En d’autres termes, un prophète reçoit le message divin et le transmet sur terre. Comment donc Sarah pouvait-elle émettre des doutes sur le message de D.ieu ou l’ignorer ?
Justification et réfutation
Pour donner une explication simple de son rire, on pourrait avancer le fait qu’elle entendit cette nouvelle de « païens » qui ressemblaient à des voyageurs, et non par prophétie, directement de D.ieu. Dans ce cas, en quoi aurait-elle fauté en doutant d’une bénédiction prononcée par un idolâtre ?
Cependant cet argument ne semble pas venir excuser Sarah. Son intuition supérieure (une autre forme de prophétie) aurait dû lui souffler qu’il ne s’agissait pas là d’un simple message. Le fait même que ces invités étranges et imprévus se présentent chez eux, dans une chaleur si torride qu’aucun être humain ne pouvait s’aventurer à l’extérieur, aurait dû l’avertir de ne pas prendre leurs paroles à la légère, qu’ils étaient des messagers divins.
De plus, comme le souligne Rachi, cela se produisit trois jours seulement après la circoncision d’Avraham et son entrée dans l’Alliance éternelle. N’aurait-elle pas pu être consciente du fait que D.ieu utilisait ces voyageurs pour transmettre un message particulier ? Sarah plus que toute autre aurait dû voir à travers le voile et reconnaître qu’en réalité, leur bénédiction émanait de D.ieu.
Nous sommes donc de retour à notre question initiale. En prenant en compte sa perception spirituelle particulièrement élevée, il est impossible d’imaginer qu’elle n’ait pu voir la vérité. Pourquoi donc rit-elle et exprima-t-elle des doutes ?
Quand on évoque les personnages qui sont des Justes véritables, il nous faut être extrêmement précautionneux à ne pas leur imputer nos propres faiblesses et nos défauts. Leurs « erreurs » se situent à un tout autre plan. Et cela est particulièrement vrai de nos Patriarches et a fortiori de nos Matriarches qui sont en totale adéquation avec D.ieu.
Jamais de doutes
En gardant ce qui précède à l’esprit, nous pouvons suggérer que Sarah ne douta jamais de la possibilité de D.ieu de lui donner un enfant à quatre-vingt-dix ans.
Bien au contraire, Sarah chercha à embellir encore le miracle et faire de sa nature extraordinaire et unique un outil plus efficace contre la tendance à se blaser devant les miracles divins.
Expliquons-nous :
L’une des tactiques de la force insidieuse d’Amalek (la nation qui attaqua les Juifs à leur sortie d’Égypte et le symbole de la force intérieure malfaisante qui se donne comme but d’éteindre toute la chaleur que nous pouvons ressentir dans les sujets de la sainteté) est de diminuer notre excitation quand nous sommes les témoins d’un miracle. Aux âmes les plus sophistiquées, la réaction d’Amalek est de s’exclamer devant un miracle : « Ne vous excitez pas devant ce miracle ! Après tout, D.ieu peut tout faire. Qu’y a-t-il d’extraordinaire ! »
Sarah savait qu’il était fort probable que devant ce miracle, toutes sortes de cyniques tenteraient d’amoindrir l’ardeur et l’enthousiasme qu’il susciterait. Elle chercha donc à mettre l’accent sur l’impossibilité claire et nette qu’elle puisse devenir mère. Elle en avait dépassé de loin l’âge et, d’après nos Sages, elle ne possédait pas même d’utérus. En outre, Avraham lui-même était trop âgé, bien au-delà de l’âge naturel pour avoir un enfant.
Plus elle allait exprimer sa réflexion sur l’impossibilité pour elle d’enfanter, plus le miracle serait impressionnant, pour les cyniques comme pour elle-même. En insistant sur l’impossibilité de ce miracle, elle cherchait à accroître son propre enthousiasme et sa stupéfaction absolue devant le miracle de la naissance.
L’incrédulité de Sarah ne constituait pas un doute, à D.ieu ne plaise. Bien au contraire, c’était sa manière d’intensifier l’étendue de ce miracle, insistant sur le fait qu’il n’avait aucune base naturelle.
Il s’agissait donc d’une attitude admirable.