Une chaude nuit d’été en 2005 à Bangkok, capitale de la Thaïlande. Autour d’un feu de camp, des touristes jeunes et moins jeunes bavardent. Rav Ne’hemia Wilhelm, qui dirige le Beth ‘Habad, anime cette dernière soirée en compagnie de conférenciers célèbres. Les préjugés tombent, les barrières s’estompent et chacun raconte son histoire personnelle.

Arrive le tour de Rav Shmulik Ofen qui était, à l’époque, un jeune élève de Yechiva, envoyé par le mouvement Loubavitch pour assister Rav Wilhelm dans ses nombreuses activités à Chiang Mai. Il prend une profonde inspiration et raconte la nuit dramatique qui a changé sa vie, cinq ans auparavant.

La nuit de Pourim 2000, la camionnette du Beth ‘Habad de Kyriat Arba était remplie de caisses de Michloa’h Manot (cadeaux de nourriture qu’on offre à Pourim). Les haut-parleurs sur le toit du véhicule diffusaient la joyeuse musique de la fête et sept garçons de Yechiva prirent place. Parmi eux, les deux frères Ofen : Shmulik, âgé de 16 ans et Mendy, 18 ans. Mendy était très dynamique et, de fait, animait toute la petite bande avec sa bonne humeur contagieuse.

La camionnette se dirigea d’abord vers la base de Tsahal à Hévron, distribua aux soldats quelques paquets après la lecture traditionnelle de la Méguila puis reprit la route en direction de Tarkoumia. Dans le véhicule, l’ambiance était très joyeuse, surtout que Mendy avait réussi à emprunter un uniforme de colonel comme déguisement de Pourim. Au cours du voyage, il céda sa vareuse à son petit frère qui avait froid. Tous éclatèrent de rire en voyant ce frêle adolescent vêtu d’un uniforme aussi haut gradé. Nul ne pouvait imaginer que cette vareuse allait lui sauver la vie quelques instants plus tard.

A 21h20, à 300 mètres de Tarkoumia, des coups de feu… Une bande de terroristes embusquée dans un carrefour tirait sans arrêt contre le camion. Au début, les voyageurs pensèrent qu’il s’agissait de jets de pierres, très dangereux en soi mais il s’avéra que c’était des balles réelles. Shmulik ressentit tout à coup une douleur intense dans la nuque et saigna abondamment. Ne parvenant plus à parler, il murmura avec ses dernières forces : « J’ai été touché ! ». Le chauffeur comprit et accéléra au maximum afin de sauver ses passagers jusqu’à ce qu’il parvienne au poste de sécurité de Tsahal. Shmulik parvint à sortir du camion mais s’effondra sur la chaussée. Avant de perdre connaissance, il aperçut les soldats qui accourraient auprès de lui, le « colonel » grièvement blessé. On appela des médecins qui constatèrent l’étendue de la plaie : la balle avait traversé son cou de part en part et avait même touché son frère Mendy. On appela les services d’urgence : « Un colonel grièvement blessé à la tête ! Envoyez un hélicoptère ! ».

La situation était désespérée, le blessé avait perdu beaucoup de sang ; il avait du mal à respirer. On lui fit une piqûre pour l’endormir et on attendit l’hélicoptère qui tardait. Allait-on l’emmener plutôt en ambulance ? Enfin l’hélicoptère arriva, le pilote fit descendre une civière sur laquelle on fixa le blessé qui fut amené en quelques minutes à l’hôpital.

La nouvelle de l’attentat frappa le pays de stupeur. La joie de Pourim fut mêlée de prières pour le prompt rétablissement des blessés. Miraculeusement, Shmulik se réveilla au matin et demanda à mettre ses Téfilines ! Rapidement, il recouvra la santé et, quelques jours plus tard, put rentrer chez lui.

« Voilà mon histoire ! » conclut Shmulik autour du feu de camp thaïlandais, en regardant son auditoire captivé.

Un des jeunes gens présents se leva d’un bond : « C’est donc toi ! s’écria-t-il en désignant du doigt Shmulik, maintenant lui aussi étonné. Je n’arrive pas à le croire ! Moi je suis Almog, l’infirmier du bataillon 51 des Golani ! C’est moi qui me suis occupé de toi en premier cette nuit-là ! Impossible d’oublier cet instant fatidique où j’ai remarqué tes insignes de colonel et où j’ai supplié qu’on envoie un hélicoptère ! Cela fait des années que j’ai essayé de te retrouver et voilà ! A l’autre bout du monde ! ».

Très émus, tous deux tombèrent dans les bras l’un de l’autre, les autres participants se frottaient les yeux devant cette extraordinaire rencontre dont ils étaient témoins !

A la suite de cet attentat qui avait évidemment chamboulé leurs plans pour Pourim cette année-là, les deux frères Ofen avaient décidé de consacrer leur vie au bénévolat parmi les soldats de Tsahal. Actuellement, ils dirigent une organisation nationale d’aide aux soldats dans tout le pays. Le traumatisme s’est transformé en une action positive utile.

Mais il restait encore une inconnue ou plutôt un inconnu : les deux frères souhaitaient ardemment remercier personnellement le pilote de l’hélicoptère qui leur avait sauvé la vie. A l’automne 2019, Mendy Ofen s’embarqua sur un avion d’El Al en direction de New York pour rejoindre le Congrès International des délégués du mouvement Loubavitch. Quand le capitaine de bord se présenta aux passagers dans le haut-parleur, Mendy sursauta : ce nom, cette voix… Oui, c’était le pilote de l’hélicoptère. Une fois qu’il put détacher sa ceinture de sécurité, il demanda la permission de parler avec le pilote qui fut lui aussi très heureux de le revoir.

La boucle était bouclée !

Mendy et Shmulik Ofen

Si’hat Hachavoua N° 1731

Traduit par Feiga Lubecki