D.ieu se révèle à Moché et lui promet de sortir les Enfants d’Israël d’Egypte, de les délivrer de leur esclavage, de les sauver et d’en faire Son peuple au Mont Sinaï. Il les conduira ensuite vers la terre qu’Il a promise aux Patriarches en héritage éternel.

Moché et Aharon se présentent à de multiples reprises pour demander au Pharaon, au nom de D.ieu : « Laisse partir Mon peuple pour qu’ils Me servent dans le désert ». Pharaon refuse. Le bâton d’Aharon se transforme en serpent, redevient bâton et avale les bâtons magiques des sorciers égyptiens. D.ieu envoie alors une série de plaies contre les Égyptiens.

Les eaux du Nil se transforment en sang, des armées de grenouilles envahissent la terre, la vermine infecte tous les hommes et les animaux. Des hordes de bêtes sauvages déferlent sur les villes, la peste tue les animaux domestiques, des ulcères douloureux affectent les Égyptiens. Pour la septième plaie, D.ieu combine le feu et la glace qui descendent sur terre en une grêle dévastatrice. Et pourtant « le cœur de Pharaon s’endurcit » et il ne libère pas les Enfants d’Israël.

Le Nil rouge

« Moché et Aaron firent comme D.ieu le leur avait commandé. [Aaron] leva le bâton et frappa l’eau qui était dans le Nil, devant les yeux du Pharaon et devant les yeux de ses serviteurs ; et toute l’eau qui était dans le Nil devint rouge. » (Chemot 7 :20)

Au niveau le plus élémentaire, les Dix Plaies qui accablèrent les Égyptiens avaient pour but de les punir de leur cruauté et de forcer le Pharaon à libérer les Enfants d’Israël. Mais elles avaient également une fonction plus significative.

L’Exode n’avait pas pour seul but de faire sortir les Hébreux d’Égypte, mais également, et de façon plus importante, de faire sortir l’Égypte des Juifs. Quatre générations de servitude à la culture païenne de l’Égypte avaient asservi les Juifs dans leur âme tout comme dans leur corps. Pour qu’Israël puisse devenir un peuple libre, au véritable sens du terme, les Hébreux devaient se débarrasser de leur soumission spirituelle aux idoles et aux mœurs dépravées de leurs tyrans égyptiens.

Les plaies furent donc dirigées tout autant vers les Enfants d’Israël que vers les Égyptiens. Elles ne se produisirent pas uniquement pour punir et menacer le Pharaon et ses hommes de main mais aussi pour écraser les icônes de la culture égyptienne, mettre en lumière les idées fausses de l’âme elle-même de l’Égypte, aux yeux et à l’esprit de ses esclaves hébreux.

Durant la saison des crues, le Nil débordait sur ses rives, remplissant tout un réseau de canaux, irriguant les champs et les vergers de l’Égypte. Il constituait la source de toute subsistance sur cette terre aride.

Le fermier qui attend la pluie pour arroser ses plantations connaît bien sa dépendance à des forces qu’il ne contrôle pas et lève toujours ses yeux vers le ciel dans une prière pleine d’espoir.

Mais le Nil soutenait la société égyptienne qui croyait en un dieu-rivière dont les eaux montaient selon un mécanisme saisonnier, une société dans laquelle le « moi » régnait en dieu suprême, une société qui rejetait avec arrogance la notion même d’Autorité Suprême, les règles de moralité ou un but supérieur dans la vie.

La liberté comme servitude, la servitude comme liberté

Une telle société, soi-disant libérée de toutes contraintes et de toute responsabilité, est une société asservie aux éléments les plus primaires et les plus animaux de la nature humaine. La sortie d’Egypte vint libérer le Peuple d’Israël de cette mentalité païenne, le libérer de cette servitude au temporel et au matériel.

Cela avait pour but de conduire le Peuple juif au Mont Sinaï, où l’esclavage, sous le déguisement de la liberté de l’Égypte, fut remplacé par un engagement à être les serviteurs de D.ieu, une servitude qui est, en réalité, l’ultime émancipation spirituelle. Une vie qui est fidèle au but divin dans la création permet à l’âme de sortir des restrictions de la matérialité et de réaliser son potentiel supérieur, plus précieux. L’accomplissement de la Volonté divine, comme elle s’exprime dans les lois de la Torah, est le moyen, et le seul moyen, qui donne la possibilité à un être humain de dépasser les limites inhérentes à sa propre existence et de le lier à sa Source et son Créateur infini et omniprésent.

Ainsi, quand vint le moment pour Israël d’être libéré, le premier geste de D.ieu fut-il de détruire le Nil devant leurs yeux.

Ses eaux ininterrompues se transformèrent en sang, faisant voler en éclats l’illusion de la croyance égyptienne dans son autosuffisance et mettant à jour le mensonge de cette pseudo liberté de la vie matérielle.

La chaleur de la vie

Le fait que le discrédit tomba sur le Nil par la transformation de ses eaux en sang prend également une signification bien particulière. Cela représente un autre aspect de la transformation par laquelle devait passer le Peuple d’Israël dans son exode spirituel d’Égypte.

Rabbi Chalom DovBer de Loubavitch dit un jour :

« Entre le froid et l’hérésie se tient un mur extrêmement ténu. La Torah statue que : « L’Éternel ton D.ieu est un feu qui consume. » La Divinité est une flamme ardente. Tout ce qui est Divin et saint est chaud, vibrant et intensément vivant. »

L’eau constitue l’antithèse de la vitalité de la spiritualité : la froideur, l’humidité et l’immobilité. Les eaux du Nil caractérisaient la froideur et l’apathie du culte égocentré et de l’abjuration de l’Égypte. Le sang représente la chaleur et la vibration de la vie.

Ainsi, avec la première plaie, les eaux du Nil furent transformées en sang. C’était là le premier pas dans la délivrance d’Israël, le premier pas dans le processus pour les extirper de la froideur spirituelle de l’Égypte et les faire brûler de la ferveur de la vie, vie qui se définit par ce verset : « Toi qui t’attaches à D.ieu es vivant !» (Devarim 4 :4)

La grenouille dans le four

« La rivière sera envahie de grenouilles. Elles monteront et entreront dans ta maison, dans ta chambre à coucher… et dans tes fours et dans tes récipients à pétrir. » (Chemot : 7 :28)

Le livre biblique de Daniel relate l’histoire de ‘Hanania, Mishael et Azariah, trois officiers juifs à la cour de l’empereur babylonien, Nabuchodonosor, qui durent choisir entre se prosterner devant une image idolâtre ou être jetés dans une fournaise ardente. Tous trois choisirent d’affronter le feu plutôt que de renoncer à leur foi. Le Talmud relate que leur décision fut inspirée par les grenouilles qui avaient envahi l’Égypte à l’époque de Moché. « Si les grenouilles étaient entrées dans les fours égyptien pour accomplir la Volonté divine, raisonnèrent-ils, il est sûr que nous pouvons nous sacrifier pour notre Créateur. »

« Le sacrifice de soi » est plus que la volonté de mourir pour ses croyances. C’est la manière dont on vit pour elles. C’est la volonté de renoncer à son propre moi pour l’amour de D.ieu. En fait, le terme hébreu pour « sacrifice de soi » : Messirout Néfèch, signifie à la fois « le don de la vie » et « le don de la volonté ».

Il est donc significatif que la leçon du sacrifice de soi s’apprenne d’une grenouille, créature au sang froid, qui pénètre dans un four ardent. L’ultime épreuve de la foi va au-delà du problème de la vie et de la mort. C’est la volonté d’aller à l’encontre de sa propre nature, au nom d’une vérité supérieure.