Le souhait d’une mère

Il y a plus de 25 ans, aux États-Unis, une mère sentant les effets de l’âge, prit son fils à part alors qu’elle revenait d’un voyage en Israël dans le cadre de ses activités sionistes : « Je souhaite que tu restes un bon Juif et voici le cadeau que je t’ai rapporté : une Mezouza dans un magnifique écrin artistiquement ciselé à accrocher à la porte de ta maison ! ».

Elle même avait été très impliquée dans toutes sortes d’organisations féminines militant pour le développement des œuvres sociales en Israël et elle était peinée de constater que ses deux enfants ne s’y intéressaient pas du tout, ne tenaient à aucune tradition juive, absolument aucune…

Quelques années plus tard.

13 février 2019 : il y a du vent en Californie et je suis sur les routes. De nombreux arbres sont tombés dans la région où je me trouve pour mes affaires et je suis obligé d’emprunter des routes secondaires dans des villes que je ne connais pas du tout.

Alors que je manœuvre dans une rue étroite, je suis frappé par la présence d’une Mezouza sur la porte d’une maison : par la fenêtre, j’aperçois un homme penché sur son ordinateur. Il est tard, je dois faire la prière de Min’ha puis je réfléchis : seul D.ieu a pu me guider ainsi, certainement le Rabbi veut que je m’intéresse si c’est un Juif qui habite dans cette maison – bien que ce ne soit pas une région à forte population juive.

Bref, je me suis garé, j’ai pris mes Téfilines et j’ai sonné à la porte. Effectivement, c’était bien une Mezouza et l’homme était juif, un photographe célèbre appelé Yisraël. Il venait de passer une mauvaise journée : un arbre était tombé et avait totalement détruit sa superbe (et chère) voiture… Et maintenant un Juif orthodoxe, avec barbe et chapeau, sonnait à sa porte…

Les vingt minutes suivantes furent complètement surréalistes. Il mit les Téfilines pour la première fois depuis quarante ans et me demanda de prendre une photo car, souria-t-il : « Ma mère sera si contente ! ». J’ai déjà mis les Téfilines à des centaines d’autres personnes mais là, c’était vraiment émouvant ! Yisraël me tendit sa carte de visite et je me hâtais de prier Min’ha.

Des semaines plus tard, alors que je me trouvais au Ohel du Rabbi (au cimetière Montefiore à New York), je pensais soudain très fort à Yisraël et priai pour lui…

13 Nissan 2019, je me retrouvai à nouveau dans cette région de Californie ; j’en profiterais pour apporter des Matsot Chmourot à Yisraël bien que je ne sois plus très sûr de son adresse : la fois dernière, la route était défoncée, avec des arbres effondrés tout le long du trajet et un vent très fort qui défigurait le paysage… Mais je me souvins que, dans mon téléphone, je devais avoir stocké la photo de sa carte de visite : il répondit à mon appel téléphonique comme si D.ieu Lui-même l’avait appelé :

– Je cherchais à vous joindre depuis le jour où vous avez sonné à ma porte il y a deux mois. Vous avez été envoyé par le Ciel, je dois vous raconter la suite de l’histoire. Je vais vous guider par téléphone jusqu’à ce que vous arriviez ici, il faut absolument que je vous parle !

Quand j’arrivai, j’étais très ému : voilà un homme de plus de 50 ans, qui n’a eu aucun contact avec le judaïsme pendant toute sa vie adulte et qui tient à parler à un Juif pratiquant pour lui poser des questions sur D.ieu…

Voilà son histoire : le 14 février (soit le lendemain de notre première rencontre), Yisraël reçut un appel de sa sœur : leur mère âgée de 94 ans avait été amenée d’urgence à l’hôpital… Avant de quitter ce monde, elle avait eu la joie de voir la fameuse photo de son fils portant les Téfilines, elle qui avait toujours rêvé de voir ses enfants rester de bons Juifs attachés à la tradition et transmettant le flambeau aux générations futures… Tout cela était le résultat de cette Mezouza qu’elle avait offert à son fils 25 ans plus tôt, quand elle avait demandé à son fils de prononcer, le jour venu, son oraison funèbre. Maintenant Yisraël pouvait joindre les pièces du puzzle et comprendre comment les mots de sa mère ainsi que la Mezouza qu’elle lui avait offerte avaient influencé le cours de sa vie.

Effectivement, à l’enterrement de sa mère, en présence de centaines de personnes – y compris des rabbins orthodoxes – il rappela sa mémoire, son attachement aux valeurs du judaïsme et sa quasi-prophétie qu’un jour, un Juif orthodoxe frapperait à la porte de son fils grâce à la Mezouza et l’aiderait à renouer avec sa tradition familiale.

Je remis à Yisraël une boîte de Matsot Chmourot et il demanda timidement :

– Cela fait plus de dix ans que je n’ai pas participé à un Séder, puis-je me joindre au vôtre ?

– Absolument, d’ailleurs ça tombe bien : cette année, il se trouve que je dois passer le Séder tout seul et j’avais bien peur, dans ce cas, de m’endormir. Avec un invité, ce sera bien plus vivant !

Alors, qui rend service à qui ?

Zalman Klein – COLlive

Traduit par Feiga Lubecki