Les trois dernières plaies accablent l’Egypte : une armée de sauterelles dévore les cultures et la végétation ; une obscurité épaisse, palpable enveloppe le pays et tous les premiers-nés de l’Egypte sont tués à minuit, le 15 du mois de Nissan.
D.ieu ordonne la première Mitsva au Peuple d’Israël : celle d’établir un calendrier basé sur le renouvellement de la lune. Les Hébreux sont également enjoints d’apporter une « offrande pascale » à D.ieu : un agneau ou un chevreau doit être abattu et son sang aspergé sur les les linteaux de chaque demeure des Hébreux, pour que D.ieu « passe par-dessus » ces foyers quand Il viendra tuer les premiers-nés égyptiens. La viande rôtie de l’offrande sera consommée en cette nuit avec la Matsa (pain non levé) et les herbes amères.
La mort des premiers-nés finit par briser la résistance du Pharaon et il renvoie littéralement les Enfants d’Israël de son pays. Ils doivent s’en aller dans une telle hâte que leur pâte n’a pas le temps de lever et les seules provisions qu’ils emportent sont ce pain non levé. Avant de partir, ils demandent à leurs voisins égyptiens de leur remettre de l’or, de l’argent et des vêtements, réalisant ainsi la promesse faite à Avraham que ses descendants quitteraient l’Egypte avec de grandes richesses.
Les Enfants d’Israël reçoivent le commandement de consacrer tous les premiers-nés et de célébrer chaque année l’anniversaire de la sortie d’Egypte, en se débarrassant de tout le levain en leur possession pendant sept jours et de raconter leur rédemption à leurs enfants. Ils sont également enjoints de mettre les Tefiline sur le bras et la tête en souvenir de la sortie d’Egypte et de leur engagement à D.ieu.
La grande richesse
« Les Enfants d’Israël firent comme Moché avait dit ; ils demandèrent aux Égyptiens des récipients d’argent et des récipients d’or et des vêtements… et ils dépouillèrent l’Égypte. » (Chemot 12 :35-36)
Pendant une grande partie de notre histoire, nous avons été en exil. Il y eut l’exil égyptien qui précéda notre naissance en tant que nation, l’exil babylonien qui suivit la destruction du premier Temple, suivi de l’exil perse, de l’exil grec au cours de l’ère du second Temple. Et finalement, notre exil présent commença avec la destruction par les Romains du second Temple en l’an 69.
L’exil, Galout en hébreu, est bien plus que le fait d’arracher une personne à sa terre natale. Une personne en exil est une personne privée de l’environnement qui nourrit son mode de vie, ses principes et ses valeurs, son identité spirituelle. En exil, tous ces principes sont menacés car la responsabilité repose désormais sur l’exilé lui-même. Il doit puiser, dans ses propres ressources, détermination et persévérance pour survivre. Selon les paroles de nos Sages : « Tous les voyages sont dangereux » (Talmud Berakhot 4 :4).
Pourquoi sommes-nous en exil ? La Galout est communément considéré comme une punition pour nos déficiences nationales et individuelles. En fait, les Prophètes ne cessent de le décrire comme tel, et dans nos prières, nous nous lamentons sur le fait que : « à cause de nos péchés, nous avons été exilés de notre terre ».
Cependant, bien avant les péchés, que l’exil vient expier, ne soient commis, D.ieu fit une alliance avec Avraham, « l’alliance entre les parties » dans laquelle Il établit Son lien particulier avec ses descendants. A cette occasion, D.ieu l’informa que ses descendants connaîtraient l’exil (Beréchit 15 : 12-14).
Il est donc évident que la Galout a un autre objectif que l’expiation de nos péchés, un but qui va au cœur de la mission juive dans l’histoire.
L’asservissement de l’Égypte
Une clé pour comprendre la signification profonde de l’exil peut être trouvée dans « la grande richesse » que D.ieu promit à Avraham en conséquence du séjour de ses descendants dans la terre d’Égypte. En fait, cette promesse constitue un thème récurrent dans le récit que fait la Torah de l’exil égyptien et de l’Exode, au point qu’on a l’impression que c’était là le but-même de notre esclavage en Égypte. De fait, l’or et l’argent que nous sortîmes d’Égypte n’étaient pas seulement un bénéfice collatéral et une compensation pour notre esclavage en Égypte mais un élément indispensable à notre libération.
Les étincelles de sainteté
Pour expliquer le phénomène de la Galout, le Talmud offre l’explication suivante :
« Le Peuple d’Israël fut exilé parmi les nations dans le seul but que des convertis puissent s’adjoindre à eux. »
Au niveau le plus littéral, il est ici fait référence aux nombreux non-Juifs qui, au cours des siècles de notre dispersion dans les quatre coins du monde, sont entrés en contact avec le Peuple juif et ont été inspirés pour se convertir.
Mais les enseignements de la ‘Hassidout expliquent que le Talmud fait également référence à des âmes d’une autre espèce qui sont transformées et élevées au cours de nos exils : « les étincelles de sainteté » contenues dans la création matérielle.
Le grand cabaliste, Rabbi Its’hak Louria enseigne que chaque objet, chaque force, chaque phénomène de l’existence possède « une étincelle de sainteté », un point de divinité qui constitue son âme, c’est-à-dire son essence et son projet spirituels. Cette « étincelle » représente le désir divin que cette chose existe et sa fonction dans le projet divin de la création. Chaque fois que nous utilisons quelque chose pour servir le Créateur, nous traversons son écorce de matérialité et révélons et réalisons son essence divine. C’est à cette fin que nous avons été dispersés sur toute la surface de la terre : pour pouvoir entrer en contact avec l’étincelle de spiritualité qui attend la délivrance.
Chaque âme possède des « étincelles » éparpillées dans le monde et qui en sont partie intégrante. Aucune âme n’est complète tant que n’ont pas été révélées ces étincelles qui lui appartiennent.
Ainsi évoluons-nous dans la vie, propulsés d’endroit en endroit par des forces qui paraissent dues au hasard. Mais tout est le résultat de la Providence Divine qui nous guide vers ces possessions et ces occasions intimement liées à notre être.
L’enseignement
Il arrive que nous soyons tentés d’échapper à la Galout en nous enfermant dans un cocon de spiritualité, en consacrant nos jours et nos nuits à l’étude de la Torah et à la prière. Mais au lieu d’échapper à la Galout, nous ne faisons qu’en approfondir notre implication. Car nous laissons de côté des « morceaux » de notre âme, des étincelles de sainteté lui appartenant.
Ce n’est qu’en affrontant les défis que la Providence Divine place sur notre chemin, en utilisant chaque petite pépite d’« or » et d’« argent » pour servir D.ieu que nous extrayons ces étincelles de leur exil. Et en parvenant à une libération personnelle de notre âme, nous hâtons la délivrance universelle, avec la venue du Machia’h !