Un Chabbat, Rav Yaakov Moché Leizerzone, responsable de la Yechiva Torah Vedaat fut invité chez son proche parent, Rav Avraham Yossef Leizerzone à Crown Heights.
Celui-ci l’invita à assister et participer au Farbrenguen (réunion ‘hassidique) du Rabbi de Loubavitch mais il refusa, préférant rester dans la maison de son hôte pour continuer calmement à s’approfondir sur la Guemara. Au fur et à mesure de son étude, il se rendit compte d’une contradiction flagrante entre ce qui était écrit dans la Guemara et un texte du Rambam (Maïmonide). Il eut beau tourner le problème dans tous les sens, consulter d’autres commentaires, ouvrir encore un livre puis un autre : il ne trouvait aucune explication plausible.
Préoccupé, il décida de sortir prendre l’air pour se détendre et réfléchir.
Tout en se promenant, il se demandait pourquoi, au fond, avait-il refusé l’invitation de son cousin d’assister au Farbrenguen du Rabbi : pourquoi ne pas voir au moins une fois ce que cela représente ? Après tout, la synagogue du 770 Eastern Parkway était située tout près de la maison de son hôte et il pourrait tout aussi bien arrêter de penser à son problème et, peut-être, mieux le comprendre après avoir effectué une pause…
En arrivant dans la grande synagogue, Rav Yaakov Moché entendit les milliers de ‘Hassidim chanter, certains levaient leurs petits verres pour souhaiter Le’haïm (« A la vie ») au Rabbi qui leur répondait d’un hochement de tête. Mais comment pourrait-il, dans cette foule, retrouver son cousin ? Il finit par le localiser, debout derrière le Rabbi. Avec des efforts surhumains, il se fraya un chemin parmi les ‘Hassidim, on l’aida, on le poussa, on le tira jusqu’à ce qu’il parvienne à rejoindre son ami.
Le silence se fit soudainement : un geste du Rabbi avait indiqué qu’il reprenait la parole. De fait, le Rabbi commença à expliquer un commentaire de Rachi sur la Paracha. Apparemment, c’était « un Rachi » tout simple, qui n’éveillait pas la curiosité de quiconque, qui ne présentait aucune difficulté et qui était facilement compréhensible à première vue. Mais le Rabbi l’analysa de telle façon que plus rien n’était évident ! Il multipliait les questions qu’un enfant de cinq ans était normalement en droit de se poser… La phrase comportait des mots qui semblaient superflus, la citation n’était pas exactement la même que dans les textes invoqués… Puis le Rabbi se mit à « reconstruire » le raisonnement de Rachi et toutes les questions que – selon l’expression du Rabbi – n’importe quel élève un peu perspicace aurait dû poser, s’écroulaient ; « le Rachi » prenait un tout autre sens que ce qu’un élève moins « curieux » aurait pu comprendre. Cependant, il restait une question, une question de taille et, pour la résoudre, le Rabbi se mit à expliquer un problème ardu de Hala’ha (loi juive) qui apportait la solution. Le Rabbi continua en démontrant qu’ainsi on pouvait aussi résoudre un texte difficile du Rambam…
Le directeur de la Yechiva Torah Vedaat qui assistait à ce discours tendit l’oreille encore davantage qu’auparavant : le Rabbi citait justement le Rambam qui l’avait interpelé toute l’après-midi ! Puis il rapportait les paroles de la Guemara, justement la Guemara sur laquelle il avait tant réfléchi sans parvenir à la comprendre. Le Rabbi continuait, précisait que, grâce à l’explication qu’il avait donnée au début, il était évident qu’il s’agissait de deux cas différents. Ainsi, non seulement le Rabbi fournissait la réponse mais démontrait qu’en fait, il n’y avait aucune contradiction, qu’ainsi tout était aisément compréhensible !
Stupéfait, Rav Yaakov Moché Leizerzone restait cloué sur place. Même une fois que le Rabbi avait terminé son exposé et que l’assemblée s’était remise à chanter une mélodie ‘hassidique poignante, le directeur de la Yechiva Torah Vedaat n’en revenait pas : l’explication était si claire, aussi bien la Guemara que le Rambam se trouvaient si parfaitement explicités… Mais ce qui l’avait le plus fasciné, c’était la « coïncidence », comment le Rabbi avait lu ses pensées, avait ressenti son débat intérieur et l’avait si magistralement interprété justement au moment où il était entré dans le Farbrenguen ! Incapable d’exprimer ce qu’il ressentait, il se tourna vers son cousin : « Incroyable » fut le seul mot qu’il parvint à émettre.
C’est alors que le Rabbi tourna la tête derrière lui et, comme s’il lisait ce qui se passait dans son cerveau, s’adressa à lui avec un sourire bienveillant : « Ne pas s’étonner… ».
Quand ils rentrèrent à la maison après la prière de Min’ha, vraiment juste avant le coucher du soleil, le directeur de Yechiva murmura à son hôte : « Savez-vous ce qui me trottait dans la tête quand j’ai réfléchi à ce qui s’est passé durant le Farbrenguen ? Je me suis souvenu du verset de Yechaya (le prophète Isaïe) : (Quand Machia’h viendra) « Avant qu’ils ne M’appellent, Je leur répondrai ! ». Il est connu que les Justes ressemblent à leur Créateur. Le Juste parfait donne la réponse avant même qu’on ne la lui pose, alors même qu’on est juste en train d’y réfléchir : il lit tes pensées et te répond immédiatement ! C’est absolument incroyable, je viens d’assister à une démonstration magistrale ! ».
Inutile de préciser que le regretté Rav Leizerzone devint depuis ce jour un partisan enthousiaste du Rabbi !
Mechoulam Yits’haki – Kfar Chabad N° 1844
Traduit par Feiga Lubecki