J’ai passé une semaine et demie à chercher. Non pas ma recherche habituelle d’un dixième homme pour le Minyane. Non. Je recherchai un Cohen. Nous avons plusieurs personnes qui s’appellent Cohen dans notre communauté mais, malheureusement, ce ne sont pas de vrais Cohen. Et j’avais besoin d’un vrai Cohen. Le dernier délai était le lundi matin 19 Tamouz (6 juillet 2015) et, si je n’en trouvais pas d’ici là, une grande Mitsva serait repoussée à bien plus tard !
J’essayais avec tous les Cohen vivant dans un rayon de milliers de kilomètres d’ici. Je finis même par m’intéresser à des Cohen qui viendraient spécialement d’Israël. Tous étaient prêts à m’aider, à modifier leurs emplois du temps, à acheter un ticket, à vérifier la date de leur passeport… Mais comme pour se jouer de mes efforts, aucun n’était vraiment disponible : l’un se trouvait à l’étranger, l’autre devait assister à un événement important, le troisième ne trouvait pas de billet d’avion… et moi, je ne savais plus quoi faire.
Un des Cohen me fit remarquer – soi-disant avec humour : «Il est écrit que c’est le père qui amène l’enfant au Cohen et pas le contraire !» comme pour signifier : «Pourquoi t’angoisser tellement ? Tu trouveras encore une autre occasion de racheter cet enfant à un Cohen et, après tout, celui qui a tout essayé mais n’a pas réussi, est quitte de son obligation, n’est-ce pas ?»
Oui, c’est vrai, il avait raison mais il me semble que pour cet enfant, c’est une toute autre histoire !
Quand elle était arrivée chez moi un beau jour en me demandant de lui trouver un mari juif, j’étais resté hébété. Dans mon esprit, je me répétai la formule : «Béni soit Celui qui écoute les prières !».
Peu de temps auparavant, la mère de cette jeune fille m’avait contacté, elle craignait que sa fille n’épouse un non-Juif. Plus elle avait essayé de l’en dissuader, de lui expliquer l’importance d’établir un foyer juif, plus elle avait senti qu’elle s’adressait à un mur ! Depuis quelque temps, la mère s’était rapprochée du judaïsme et son fils l’avait suivi. Mais son mari et sa fille de 19 ans restaient en arrière, obstinément. Tous deux appréciaient très peu les changements intervenus dans la famille, d’habitude unie et paisible. La maman s’était résolue à prier de tout son cœur pour que D.ieu ouvre les yeux de sa fille et qu’elle ne s’embarque pas dans un chemin dangereux. Elle lisait chaque jour le chapitre de Tehilim (Psaumes) correspondant à l’âge de sa fille, écrivit au Rabbi et espéra le miracle.
Et voilà que, soudain, la jeune fille se présentait au Beth ‘Habad avec une seule requête : qu’on lui trouve un mari juif ! Nous avons cherché fiévreusement, nous avons contacté d’autres Chlou’him (émissaires du Rabbi), nous avons téléphoné à des «marieuses», des directeurs de Yechiva et d’internats… Elle rencontra effectivement plusieurs jeunes gens, chez nous ou dans d’autres villes ; entretemps, elle se rapprocha elle aussi du judaïsme et devint l’une des étudiantes les plus sérieuses et les plus intéressées par ce qu’elle apprenait grâce au programme STARS spécialement conçu pour les jeunes de Russie.
Et un jour, il arriva. Une «marieuse» de Moscou avait fait sa connaissance : ‘Haïm, un homme d’affaires, jeune, sérieux, respectant les Mitsvot principales. Bien vite, tous les deux se trouvèrent de nombreux points communs et, au bout de quelques rencontres, décidèrent de se marier.
Dans la lettre de remerciement qu’ils écrivirent au Rabbi, ils spécifièrent qu’ils acceptaient de prendre sur eux les trois Mitsvot principales de tout foyer juif : la cacherout, le Chabbat et la Pureté Familiale.
A la demande de son fiancé, elle choisit un prénom hébraïque dans une longue liste que nous lui avons proposée : par Hachga’ha Pratit (Providence Divine), on lui donna son nouveau prénom le jeudi 22 Chevat : ‘Haya Mouchka, justement le jour de la Hiloula de la Rabbanite ‘Haya Mouchka de mémoire bénie !
Tout allait bien mais… le jeune homme, ‘Haïm, habitait au Birobidjan, près de la frontière chinoise, vraiment très loin ! Pour voyager de Tioumen où nous habitions jusque là-bas, il fallait prendre l’avion, deux heures et demie jusqu’à Moscou, puis huit heures d’avion jusqu’à Khabarovsk puis deux heures de train pour arriver à cette république autonome, au fin fond de l’Asie, là où Staline, que son nom soit effacé, voulait se débarrasser des Juifs. Elle devait donc partir s’installer là-bas et accepter de vivre si loin de sa famille.
L’année dernière, environ une semaine avant Pourim, nous avons célébré le mariage, le premier mariage juif à Tioumen depuis de très nombreuses années. On peut difficilement imaginer la joie qui brisa toutes les limites.
Depuis, le jeune couple suit fidèlement le programme auquel il s’est engagé et qui n’est pas facile dans leurs conditions : ils achètent uniquement des produits cachères ; pour Chabbat, ils sont invités chez le Chalia’h local, Rav Eli Riss et son épouse Mi’hal. Quant au Mikvé (bain rituel)… c’est chaque mois, un voyage de plusieurs heures jusqu’au Mikvé le plus proche mais ils sont déterminés à observer scrupuleusement ces lois, même si cela implique de réels sacrifices !
A ‘Hanouccah est né leur fils aîné ; la Brit Mila s’est déroulée un Chabbat à Tioumen, le Mohel, Reb Yoel Gelber accepta de passer tout un Chabbat dans notre ville malgré la difficulté. Quant au Pidyone Habène, le rachat du premier-né qui s’effectue normalement au trentième jour, il n’eut pas lieu car la petite famille était déjà retournée au Birobidjan.
Quand j’ai entendu «par hasard» que ‘Haïm et ‘Haya et leur petit Yossef étaient revenus faire une visite aux grands-parents à Tioumen, j’ai commencé à rechercher un Cohen ; voyant que tous mes efforts étaient vains, j’ai eu l’idée de demander à mon neveu, Israël Gotlieb qui dirige une colonie de vacances pour les enfants de Chlou’him s’il ne disposait pas, dans son équipe de moniteurs, d’un Cohen. Eh oui ! Il y avait un Cohen ! Et le directeur de la colonie acceptait de le laisser venir chez nous pour un jour avec deux amis. Et, de plus, ce Cohen tenait à se tremper au Mikvé car il ne se passait pas de jour sans qu’il se trempe au Mikvé ! Je me suis donc engagé à trouver un endroit tranquille où nous pourrions nous tremper dans une rivière proche, bien qu’il fasse encore assez froid. Le père de l’enfant accepta lui aussi d’aller se tremper dans ces conditions.
Ce fut la première fois que nous avons assisté à un Pidyone Habène, au rachat du premier-né à Tioumen ; tandis que la communauté continuait les festivités, le jeune couple était déjà en route vers l’aéroport pour leur long voyage de retour. Je pouvais respirer : à la dernière minute, nous avions réussi à accomplir la Mitsva le mieux possible et, de plus, ce jeune Cohen nous avait encouragés à l’accomplir dans la pureté la plus grande.
Mais après tout, cet enfant né lui aussi grâce au sacrifice de ses parents pour la pureté familiale avait lui aussi bien mérité qu’un Cohen vienne à lui, dans la plus grande pureté. Un Cohen pur, un enfant pur…
« Que viennent ceux qui sont purs et qu’ils s’occupent de sujets purs » !
Rav Yerachmiel Gorelik – Shturem.net
Traduit par Feiga Lubecki