Moché instruit les Enfants d’Israël d’apporter au Saint Temple, une fois qu’ils se seront installés en Israël, les Bikourim, prémisses des fruits, pour déclarer ainsi leur gratitude à l’égard de D.ieu.

On lit également dans la Paracha les lois de la dîme donnée aux Lévites et aux pauvres.

Moché rappelle au peuple qu’il est « le Peuple Élu » de D.ieu et que lui a choisi D.ieu.

Après avoir énoncé les bénédictions que D.ieu enverra au peuple quand ils suivront les lois de la Torah, la dernière partie de la Paracha consiste en une To’ha’ha (« Réprimande »), le récit de ce qui arriverait si les Juifs en venaient à abandonner les Commandements.

En conclusion, Moché déclare que maintenant seulement, après quarante ans depuis leur naissance en tant que peuple, les Juifs ont atteint « un cœur pour savoir, des yeux pour voir et des oreilles pour entendre ».

A propos d’un verset de notre Paracha : « Aujourd’hui vous êtes devenus une nation pour l’Éternel votre D.ieu » (Devarim 27 : 9), Rachi commente :

« Aujourd’hui, vous êtes devenus une nation : chaque jour doit paraître à tes yeux comme si en ce jour, tu entrais dans une alliance avec Lui. »

Rachi est célèbre pour son choix de termes très minutieux. Nous sommes donc perplexes devant l’ajout de l’expression : « à tes yeux ». Le verset fait référence à l’alliance établie à Sinaï, et l’alliance conclue par Moché à ce moment.

L’engagement au respect d’une alliance s’applique à tous les membres du corps : les oreilles pour entendre la Torah, les mains pour accomplir les Mitsvot, les pieds pour courir faire des actes de bienfaisance, etc. Pourquoi donc Rachi met-il l’emphase sur notre sens de la vision par les mots : « à tes yeux » ? Il aurait été plus logique de dire : « chaque jour doit paraître devant toi comme si… tu entrais dans une alliance… »

Faisons un petit détour par le Talmud et voyons comment la Guemara se saisit de ce verset. Dans le traité Bera’hot, nous lisons : « Aujourd’hui vous êtes devenus une nation : Était-ce donc en ce jour que la Torah a été donnée au Peuple juif ? Ce jour n’était-il pas celui de la fin des quarante années d’errance dans le désert ? Cela vient toutefois t’enseigner que la Torah est chérie chaque jour par ceux qui l’étudient comme elle le fut le jour où elle fut donnée au Mont Sinaï (Bera’hot 63b). »

Pourquoi Rachi n’a-t-il pas expliqué le verset de la même manière que la Guemara ? Dire que « la Torah est chérie… comme au jour où elle a été donnée » aurait constitué une explication idéale de ce verset. Pourquoi dire « à tes yeux » ?

Il nous faut remarquer que ce n’est pas la première fois que Rachi utilise cette phraséologie. Plus tôt, dans cette même Paracha, à propos du verset « Aujourd’hui l’Éternel ton D.ieu t’ordonne… » (26 :16), Rachi offre le commentaire suivant :

« Chaque jour ils doivent paraître nouveaux à tes yeux comme si ce même jour tu en avais reçu le commandement. »

Et encore une fois, dans Vaét’hanane, commentant le verset : « Ces paroles Je te les ordonne en ce jour » (6 :6), Rachi avait précisé :

« Qu’ils ne soient pas à tes yeux comme une ordonnance ancienne à qui personne ne prête attention mais comme une récente pour laquelle chacun s’empresse. »

Il est donc clair que nous sommes interpelés par le fait que Rachi répète l’expression « à tes yeux », à trois reprises. Quel en est donc le sens ?

Quand l’élève de cinq ans, étudiant le ‘Houmach, lit le conseil de Rachi selon lequel la Torah doit être « fraîche et nouvelle » chaque jour, il se demande : « Comment peut-on exiger cela ? Cela va contre la nature d’une personne. » En temps normal, on ne peut comparer l’enthousiasme que l’on a pour quelque chose de neuf, pour sa préciosité, avec celui qu’on éprouve après une longue période de temps.

On peut en donner un exemple simple en observant l’excitation ressentie par un enfant devant un nouveau jouet, un aliment délicieux ou une friandise qu’il n’a jamais goûtés. Mais l’excitation et l’enthousiasme s’envoleront dès qu’il y sera habitué !

Rachi anticipant cet argumentaire présente un exemple emprunté à la vie réelle, à l’expérience quotidienne de chacun, pour servir d’analogie et nous permettre de comprendre comment quelque chose que l’on accomplit de façon répétitive peut néanmoins conserver toute sa saveur, la première fois comme la énième. Quel est ce phénomène commun ? La vue !

Quand vous regardez quelque chose, vous voyez l’objet qui se trouve dans votre champ de vision, instantanément et dans sa totalité. C’est une vision globalisante. Chaque fois que vous regardez le même objet ou la même scène et que vos yeux embrasent le même champ de vision, vous voyez la même chose. La première vision et la millième vous présentent la même image instantanée.

Entendre est différent. Le détail des sons prend du temps à se transmettre. Ainsi, lorsque vous entendez la même suite de sons pour la seconde fois, à chaque instant qui passe, vous vous souvenez de ce qui doit venir par la suite.

La conséquence en est que l’expérience de l’écoute est différente chaque fois.

Le petit élève de cinq ans qui étudie le ‘Houmach a demandé à juste titre comment l’enthousiasme pour la Torah peut être le même, jour après jour. Ce n’est pas naturel !

Rachi explique patiemment : ce n’est pas facile à accomplir mais cela peut et doit l’être et je vais suggérer une analogie pour vous aider à voir que c’est possible.

Prenez l’exemple de la vision. Chaque fois que vous regardez, vous voyez une scène entière tout comme vous l’avez fait lors de la première fois. De la même façon, la Torah peut être tout autant enthousiasmante, rafraîchissante et nouvelle, aujourd’hui, que le jour où elle a été donnée pour la première fois au Peuple juif, il y a des milliers d’années, sur le Mont Sinaï.