Le Chofar, la corne de bélier dans laquelle on souffle à plusieurs reprises lors de Roch Hachana, est étroit d’un côté et large de l’autre. Le côté le plus large est celui qui était attaché à la tête de l’animal et le plus étroit est le haut de la corne. Le Choul’han Arou’h (Code de lois juives) indique deux lois concernant les deux extrémités du Chofar.

L’une stipule que si l’on altère mécaniquement la forme du Chofar, par une source de chaleur, ce qui résulte en un rétrécissement du côté le plus large et un élargissement du côté étroit, le Chofar est rendu Passoul, c’est-à-dire impropre à l’utilisation. Cette loi s’appuie sur la déclaration de la Torah selon laquelle Vehaavarta Chofar Teroua, ce qui signifie : « tu feras résonner le son du Chofar », dans laquelle le mot Vehaavarta nous enseigne que cela doit se faire Dérè’h Haavarato, « de la manière dont il était porté sur la tête de l’animal » (Roch Hachana 27 b, Ora’h ‘Haïm 586 :12).

L’autre loi indique que même si l’on ne produit pas de changement matériel au Chofar mais que l’on ne fait que le retourner et souffler dans le côté large, la Mitsva n’est pas accomplie. Une allusion à cette loi se lit dans le verset « Mine Hamétsar Karati Kah Annani Bamer’hav Kah, « de l’étroitesse j’appelle D.ieu, et puis D.ieu me répond avec largesse » (Psaume 118 :5).

La première loi est très aisée à comprendre mais la seconde est quelque peu étonnante. Retourner un Chofar et souffler dans son côté le plus large est extrêmement difficile. Pourquoi celui qui produit un tel effort serait-il rejeté et ne se serait-il pas acquitté de la Mitsva ?

Quand le roi Balak, ennemi juré du Peuple juif, engagea le prophète idolâtre Bilaam pour maudire les Juifs, les paroles de celui-ci se transformèrent et il s’exclama avec admiration : « Ma Tovou Ohalé’ha Yaakov Michkenoté’ha Israël », « Combien tes tentes sont-elles belles, ô Yaakov, [et] tes résidences, Israël » (Bamidbar 24 :5). Rachi commente ces propos en disant que Bilaam fut étonné quand « il vit que les ouvertures [de leurs tentes] n’étaient pas alignées les unes en face des autres ».

Pourquoi donc se concentrer sur les ouvertures (les entrées) ?

Rabbi Barou’h de Mezibouch, un petit-fils du Baal Chem Tov, propose l’explication suivante : Le Midrach Rabba (Cantique des Cantiques 5 :3) dit que D.ieu exhorte le Peuple juif à faire Techouvah (retour à D.ieu) en ces termes : « Faites-moi une petite ouverture comme celle du chas d’une aiguille et Je ferai pour vous une ouverture dans laquelle pourra entrer une caravane. » En d’autres termes, il suffit que le Juif commence un processus de Techouvah et D.ieu l’aide à atteindre les sommets les plus élevés. Ainsi « les ouvertures » que les Juifs doivent faire et l’ouverture réciproque de D.ieu n’ont rien de comparable.

C’est la raison pour laquelle, pour exprimer sa louange et son admiration, Bilaam s’écria : « Vous, juifs, êtes tellement chanceux, votre ouverture et l’ouverture de D.ieu ne sont pas alignées, c’est-à-dire identiques, l’une par rapport à l’autre ! Il ne vous suffit d’investir qu’un petit effort et D.ieu ouvre pour vous les larges portails de la Techouvah ! Si votre D.ieu vous aime tant, comment mes malédictions pourraient-elles avoir un effet quelconque ? »

Le Rambam (Maïmonide) écrit (Techouvah 3 :4) que bien que le son du Chofar à Roch Hachana ne soit que l’une des 613 Mitsvot de la Torah, il lance néanmoins un appel au peuple pour le réveiller de son sommeil et faire Techouvah, revenir vers D.ieu.

L’on peut dire que les deux ouvertures du Chofar, l’étroite et la large, représentent d’une part l’ouverture minuscule qu’accomplit le Juif, et de l’autre, la large ouverture de la réponse de D.ieu.

Il est possible qu’un bon nombre d’entre nous hésite à faire Techouvah, pensant qu’il est trop difficile de revenir et de se rapprocher de D.ieu. Mais le message du Chofar vient réfuter cet argument. Il est simple de faire Techouvah. Il suffit d’entamer une toute petite ouverture, de se rapprocher de D.ieu et Il nous ouvrira Ses portes et facilitera notre retour.

La loi concernant le fait de retourner le Chofar et de souffler dans son côté large représente une métaphore de ceux qui prêchent que la Techouvah est très difficile et qu’il faut prodiguer beaucoup d’efforts pour satisfaire D.ieu.

Cette approche est contraire à notre foi et par conséquent inacceptable et erronée. Le message que nous envoie la manière de souffler dans le Chofar indique que la Techouvah n’est pas difficile. Il s’agit simplement de faire un tout petit effort pour récolter une immense récompense.