En 1920, après la révolution bolchévique, le Rabbi de Rachmastrivka, Rabbi David Twersky et sa famille furent obligés de quitter leur ville natale et s’enfuirent à Nikolaïev.
Là, il œuvra avec le jeune Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson (plus tard connu sous le nom de Rabbi de Loubavitch) pour développer un réseau clandestin d’écoles juives et de Yechivot. En 1926, il put s’établir en Terre d’Israël et y reconstruire sa communauté.
Près de trente ans plus tard, Rabbi Yo’hanan prit la succession de son père Rabbi David à la tête de la ‘Hassidout de Rachmastrivka.
En 1954, il se rendit à Williamsburg (New York) pour le mariage de son fils ‘Haïm Its’hak (l’actuel Rabbi de ce mouvement ‘hassidique). Il profita de sa présence à Brooklyn pour rendre visite au Rabbi au 770 Eastern Parkway. Durant l’entrevue, le Rabbi qui n’avait pas caché sa joie de retrouver son ancien ami, lui demanda s’il se souvenait d’un de ses anciens élèves (appelons-le Avraham). Celui-ci, après avoir étudié en cachette dans les classes de Torah en Union Soviétique, avait réussi à émigrer aux États-Unis. C’était justement maintenant qu’il avait la possibilité de pratiquer librement le judaïsme qu’il avait quitté le chemin de la Torah. Plusieurs ‘hassidim avaient tenté de le ramener au bercail mais sans succès.
Rabbi Twersky fut attristé d’entendre une telle nouvelle.
– Peut-être pourrez-vous l’influencer favorablement, proposa le Rabbi.
– Je vais essayer, promit Rabbi Twersky.
Immédiatement le Rabbi décrocha son téléphone et contacta Avraham.
– Rabbi Yo’hanan Twersky est ici dans mon bureau : vous vous souvenez de lui ?
– Bien sûr ! répondit Avraham à l’autre bout du fil.
– Il voudrait vous rencontrer : quand serait-ce possible ?
– Vendredi après-midi, avec plaisir !
Le Rabbi lui donna alors l’adresse où il pourrait rencontrer Rabbi Yo’hanan Twersky.
Après plus de trente ans de séparation, la réunion fut très émouvante. Ils passèrent tous deux quelques instants à évoquer des souvenirs communs puis Avraham demanda à Rabbi Twersky la raison de sa venue à New York. Quand il apprit le mariage du fils de son ancien maître, il sortit son carnet de chèques, inscrivit un montant généreux et voulut le lui remettre en cadeau pour le jeune couple. Mais Rabbi Twersky le refusa :
– Je veux tout d’abord discuter de votre situation spirituelle.
– Vous comprenez, je suis un membre respecté de ma synagogue…
– Qu’en est-il du Chabbat ? l’interrompit Rabbi Twersky.
– Vous comprenez, tous mes concurrents sont ouverts le Chabbat, je ne peux pas me permettre de fermer mes boutiques ce jour-là…
– Et la cacherout ?
– Euh… Il n’y a pas de magasin cachère dans le quartier où j’habite…
– Et les Téfiline ?
– C’est vrai, c’est une Mitsva importante mais je n’ai pas toujours le temps de les mettre…
Incapable de se maîtriser, Rabbi Twersky fondit en larmes :
– Est-ce pour un « judaïsme » pareil que nous avons risqué nos vies en Union Soviétique ? Chacun de vos professeurs aurait pu se faire jeter en prison pour le crime de vous enseigner la Torah ! Tout cela dans l’espoir que votre génération continuerait la chaîne ininterrompue de notre tradition !
– Vous avez raison, regretta Avraham lui aussi bouleversé. Je vous promets qu’à partir de maintenant, je m’efforcerai de respecter les commandements !
Heureux de sa réaction, Rabbi Twersky bénit son ancien élève. Avant de partir, Avraham tenta à nouveau de remettre le chèque au père du marié qui le refusa encore :
– Je n’accepterai votre chèque que quand j’aurai la confirmation que vous agissez effectivement comme promis. Et comment le saurais-je ? C’est le Rabbi de Loubavitch lui-même qui m’informera que votre Techouva (retour à D.ieu) est effective !
Rabbi Twersky resta encore plusieurs semaines à New York. Un jour, le téléphone sonna et c’est son épouse qui répondit :
– Qui est-ce ?
– J’appelle de Loubavitch ! répondit la voix.
Réalisant que c’était le Rabbi de Loubavitch lui-même qui lui parlait, elle tendit en tremblant le combiné à son mari.
Oui, Avraham avait accompli sa promesse !
– Rabbi Yo’hanan, vous pensez que vous êtes venu à New York pour le mariage de votre fils ? demanda le Rabbi. Vous êtes venu ici pour aider un Juif à faire Techouva ! Maintenant Avraham a retrouvé le chemin de la Torah !
De fait, Rabbi Twersky avait eu beaucoup de mal à obtenir son visa pour entrer aux États-Unis : ancien citoyen soviétique, il était suspect aux yeux des autorités américaines. Plusieurs fois, il avait déposé une demande et le visa lui avait été refusé. Soudain, juste quelques jours avant le mariage, l’ambassade l’avait contacté pour lui signifier que son visa était prêt. Certainement, comme le Rabbi l’avait souligné, la Providence Divine l’avait aidé dans cette démarche afin qu’un Juif retrouve ses racines et que son ancien élève fasse honneur à son éducation en retournant à une vie de Torah et de Mitsvot.
Rabbi Na’hman Twersky – The Avner Institute
Traduit par Feiga Lubecki