Yehouda s’approche de Yossef pour le supplier de libérer Binyamin, offrant sa propre personne comme esclave à la place de son jeune frère. Devant la loyauté qui anime ses frères les uns à l’égard des autres, Yossef leur révèle son identité : « Je suis Yossef, mon père est-il toujours vivant ? ».

Les frères sont envahis de honte et de remords mais Yossef les console. « Ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici mais D.ieu. Tout a été ordonné d’En-Haut pour nous sauver de la famine ainsi que toute la région ».

Les frères se précipitent à Canaan avec les nouvelles. Yaakov vient en Égypte avec ses fils et leurs familles, soixante-dix âmes en tout, et retrouve son fils bien-aimé après vingt-deux ans de séparation. En chemin, il reçoit la promesse divine : « Ne crains pas de descendre en Égypte ; car Je ferai de toi une grande nation. Je descendrai avec toi en Égypte et il est sûr que Je vous ferai remonter ».

Yossef amasse de la richesse pour l’Égypte en vendant de la nourriture et des grains durant la famine. Le Pharaon donne à la famille de Yaakov la fertile région de Gochen pour qu’elle s’y installe et les Enfants d’Israël prospèrent dans leur exil égyptien.

Le nom des différentes parties de la Torah exprime leur nature particulière ainsi que le contenu de la Paracha elle-même. C’est ainsi que la Paracha de cette semaine se caractérise par son nom : Vayigach, « et il s’approcha ».

Nous devons donc comprendre comment Vayigach inclut toute la succession d’événements mentionnés dans la Paracha, y compris la révélation de Yossef à ses frères et la descente de Yaakov et de sa maisonnée en Égypte. Bien que ces épisodes surviennent en conséquence de Vayigach, du rapprochement de Yehouda vers Yossef, cela n’apparaît pas dans ce mot.

Le sens général de Vayigach s’exprime dans la Haftara, dont la lecture fut instituée pour récapituler la lecture de la Torah. Dans celle de cette semaine, il apparaît que le rapprochement qu’opéra Yehouda envers Yossef est d’une importance globalisante. Nos Sages expliquent que Yehouda comme Yossef étaient des « rois » qui représentaient différentes approches spirituelles. Cette rencontre symbolise donc une union et une unification entre ces différentes approches. C’est ainsi que la Haftara relate comment, à l’Ère messianique, le royaume de Yossef sera réuni avec le royaume de Yehouda. Cela amorcera l’ère où « Je prendrai Israël parmi les nations… et J’en ferai une nation unique… Un roi régnera sur eux. »

Vayigach représente donc l’unité du Peuple juif et une unité qui domine le monde en général. Dans ce contexte, Vayigach exprime « le grand principe général de la Torah » : « Aime ton prochain comme toi-même ». Cela démontre la façon dont s’exprime cette unité qui n‘est pas seulement un principe spirituel général mais, par le biais de la réunion et l’établissement de l’unité dans ce monde, appartient également au domaine de l’action concrète.

Pour expliquer ce concept, on peut s’attarder sur une pratique qui précède la prière et veut que l’on fasse la déclaration suivante : « Voici, je prends sur moi l’accomplissement de la Mitsva : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Il ne suffit pas de méditer sur ce concept mais il faut l’exprimer verbalement. Bien que cela puisse paraître venir déranger la concentration et la préparation à la prière, Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi requiert très spécifiquement, dans son Siddour, que l’on procède à cette déclaration.

En quoi cette déclaration prend-elle du sens ? D’un point de vue spirituel, il n’y a rien de révolutionnaire dans le concept de l’unité du Peuple juif. Les âmes juives sont « toutes en unisson, avec un Père unique. C’est pourquoi, tous les membres d’Israël sont appelés frères, parce que la source de leur âme est le D.ieu unique… Ce ne sont que les corps qui les séparent ».

En revanche, lorsque l’âme descend dans un corps physique, des facteurs se manifestent, qui peuvent séparer un Juif d’un autre. Cela est particulièrement vrai en temps d’exil quand les Juifs sont « dispersés et éparpillés parmi les nations ». Mais même au sein d’une telle séparation, du point de vue spirituel, les Juifs sont un et partagent le même désir : celui d’accomplir la Volonté de D.ieu.

La Mitsva d’Ahavat Israël, l’amour du prochain, a pour projet d’établir et d’exprimer cette unité au cœur même du monde dans son ensemble.

C’est pour cela qu’il est important de faire une déclaration verbale de cette unité. « Le mouvement des lèvres est considéré comme une action. » Cette action incite à en pratiquer d’autres dans le même sens, avec d’autres membres de notre corps, comme distribuer de la Tsedaka.

Vayigach représente une déclaration d’unité juive identique. Elle va s’exprimer dans le contexte de notre monde matériel. Quand des Juifs se rassemblent ainsi, leur unité a le potentiel de faire venir de plus grandes bénédictions encore que celles de l’ange Mi’haël.

Ce concept s’applique également dans le contexte de notre service universel. Par essence, le monde entier est englobé dans une Unité divine. Notre tâche consiste à exprimer cette unité pour que chaque création, dans ce cadre qui nous sépare, puisse révéler son but ultime : l’expression de la Gloire de D.ieu.

Nous pouvons comprendre, à l’appui de ce qui précède, le lien entre Vayigach et les autres événements mentionnés dans la Paracha. Tout s’y concentre autour du concept de l’unité : le commencement mettant l’accent sur l’unité du Peuple juif, et la conclusion insistant sur l’expression de l’unité du monde en général.

La rencontre entre Yehouda et Yossef suscita l’unité entre Yossef et ses frères, après leur séparation de longues années. Cela fut ensuite la source de l’unité du Peuple juif, à travers les siècles, et cela nous mènera à son accomplissement ultime, à l’Ère de Machia’h.

C’est dans ce contexte que nous pouvons saisir le lien entre Vayigach et toute la séquence des événements qui y sont décrits. L’union entre Yehouda et Yossef représente et fait jaillir l’unité dans le monde. Pour citer le Zohar, elle permet : « le rapprochement d’un monde avec un autre monde pour établir l’unité entre eux, réunissant le monde supérieur et le monde inférieur. »

Quand l’unité règne au sein du Peuple juif, elle règne dans le monde.

C’est donc ainsi que la Paracha Vayigach décrit l’installation de Yaakov et de ses descendants en terre d’Égypte. La Torah évoque l’Égypte comme étant « la nudité de la terre » et les Égyptiens comme : « la plus dépravée des nations. » Leur niveau spirituel était si bas que le Pharaon, leur roi, put se considérer comme un dieu, s’écriant : « La rivière est à moi car je l’ai faite ».

Yaakov et ses fils s’installèrent en Égypte pour élever le pays et y révéler l’Unité de D.ieu, la révélation ultime de la Divinité se produisant dans un lieu de division. Le potentiel qui permit ce service de raffinement fut rendu possible par Vayigach, l’unité établie entre Yehouda et Yossef.

Tout cela permettra d’arriver à Vaye’hi, « et [Yaakov] vécut » (Paracha de la semaine prochaine), que nos Sages interprètent comme signifiant que les meilleures années de sa vie furent celles qu’il passa en Égypte. Lui et ses fils purent s’y adonner à l’étude de la Torah et ainsi transformer l’obscurité de l’Égypte en lumière.