Nous revivons en ce moment des temps qui peuvent, au premier regard, sembler bien anciens. Nous nous souvenons en effet quotidiennement, par la lecture d’un texte, qu’au début du mois de Nissan et jusqu’à la veille de Pessa’h, les chefs de tribu apportèrent leurs offrandes jour après jour, chacun à son tour, pour l’inauguration du Sanctuaire dans le désert. Il n’est guère besoin de souligner la très réelle importance de l’événement. Le Sanctuaire était la demeure de D.ieu dans le monde. Il S’y révélait et, de là, parlait à Moïse. Le fait qu’il ait été construit, achevé et enfin inauguré constitue une authentique révolution dans l’histoire de la création. Toutefois, on ne peut manquer de se dire que, si de tels rites sont hautement signifiants, ils paraissent bien éloignés de nos préoccupations, de ce qui fait le tissu concret de notre vie. Serions-nous donc condamnés à vivre sur deux plans à la fois, comme s’il n’y avait aucun lien possible entre ces niveaux si différents ?

Il est clair qu’accepter une telle idée serait en soi une grave erreur dans la mesure où elle relèguerait les textes à un simple rappel historique. Plus encore, elle constituerait un manque immense à notre propre vision des choses. Car, faut-il le dire, la Torah nous donne un message éternel. Et si les rites le soulignent, ce n’est pas seulement pour nous en pénétrer dans une sorte de volonté pédagogique. S’ils le font, c’est d’abord parce que ces messages sont d’une actualité essentielle. La période que nous traversons ne fait pas exception à cette règle. Alors que la fête de Pessa’h et la sortie d’Egypte forment déjà l’horizon de notre conscience, inaugurer le Sanctuaire est aussi l’entreprise de chacun. Certes, le Sanctuaire – et son successeur, le Temple – a disparu matériellement mais, d’une certaine façon, c’est en nous que nous le portons. Il existe spirituellement dans l’âme de chacun et, là, sa gloire ne peut jamais s’effacer.

On a l’habitude  de rappeler à quel point le mot « liberté », au moment de Pessa’h, prend une tonalité plus puissante, comme victorieuse par nature. Un chemin sûr y mène et il passe par l’inauguration de notre « Sanctuaire intérieur ». Il est vrai qu’aujourd’hui une telle recherche peut paraître quelque peu en décalage par rapport à la réalité qui nous entoure. Il est pourtant nécessaire de s’y rattacher car elle est une clé pour celui qui entend faire de sa vie quelque chose de plus significatif que la simple succession des jours. La liberté est à notre portée, sachons nous y préparer pour, demain, en être digne et la vivre avec tout l’enthousiasme de la