« J’ai grandi dans le quartier hassidique de Crown Heights (New York) dans les années 40 et j’ai eu la chance et le grand privilège de connaître le Rabbi. Il marchait dans la rue, me parlait et me dit de l’appeler « Mister Mena’hem » parce que je n’arrivai pas à retenir son nom de famille (Schneerson). Ce n’est que lorsque j’ai vu une photo de lui dans les années 50 que je réalisai que mon cher « Mister Mena’hem » était devenu officiellement le Rabbi.

J’avais sept ans et il m’avait demandé quels livres je lisais. Je venais de découvrir à la bibliothèque municipale des livres de science-fiction, entre autres ceux de Robert Heinlein et d’Isaac Asimov. Il était intrigué à l’idée d’enseigner les sciences à de jeunes enfants au travers de romans de vulgarisation. Je lui suggérai de les lire et qu’il les aimerait lui aussi mais il répondit qu’il ne lisait que des livres juifs.

Un an plus tard à peu près, en 1948, je lui racontai avoir lu le livre Foundation d’Isaac Asimov. Il évoque une fondation secrète créée par un « psycho-historien » nommé Hari Saldon. Le but de cette psycho-histoire et de la Foundation était de parfaire l’univers, du moins c’est ce que je lui exposai, en insistant pour qu’il le lise.

Par la suite, « Mister Mena’hem » me dit qu’il avait lu le livre – ce qui m’enchanta – et me conseilla de me concentrer sur Asimov et non sur Heinlein. (Et il avait raison). Il continua et me dit qu’il avait écrit à Asimov et avait reçu une réponse. J’étais en admiration du fait qu’il avait reçu une lettre de ce célèbre auteur (sans réaliser lequel des deux devait s’estimer le plus honoré… Je vous ai dit que je n’avais aucune idée de l’identité de l’homme à qui je parlais si librement ni surtout combien il deviendrait célèbre !).

Puis il me demanda ce que je pensais de l’idée d’établir une Fondation. Je trouvais l’idée épatante et le lui dis. Il m’annonça alors qu’il allait justement établir une Fondation : j’en fus si excitée que je me mis à sauter de joie en le suppliant de m’y intégrer. Il accepta et, effectivement, je participai un certain temps à son initiative. Il s’agissait d’envoyer des Chlou’him, des émissaires partout dans le monde pour aider les Juifs à retrouver leurs racines juives. Peut-être d’autres choses dont je ne me souviens pas ? Qui sait ?… »

Amicalement

Ne’hama Cohen – Tamiment, PA

Telle fut la lettre que reçut Rav Simon Jacobson il y a quelques années et que moi, (David Boas) j’ai racontée plusieurs fois. Dernièrement quelqu’un m’a demandé de lui prouver que cette histoire était vraie. J’étais à Jérusalem et demandai à un de mes contacts à Brooklyn d’en vérifier les détails. Il en parla avec Rav Simon Jacobson qui confirma avoir reçu cette lettre en 1996. Mais mon contact ne parvenait pas à localiser la dame en question. Comme il travaillait pour JEM (Jewish Educational Media, qui enregistre des témoignages de personnes ayant connu le Rabbi), il estima que Ne’hama Cohen serait certainement une personne très intéressante à interviewer et il persévéra. Finalement il parvint à découvrir son adresse en Pennsylvanie. Durant deux semaines, il lui téléphona tous les jours mais personne ne décrochait.

Finalement lundi 27 janvier 2014, quelqu’un décrocha le combiné. Une voix d’homme. Il s’avéra que c’était un policier qui informa l’homme de JEM que Ne’hama Cohen venait de décéder à l’âge de 74 ans à l’hôpital. Le policier était venu dans son appartement pour déterminer si elle avait de la famille qui s’occuperait des funérailles. Mais quand il avait découvert qu’elle vivait seule et n’avait pas de famille, il s’apprêtait à suivre les procédures légales dans ce cas-là, c’est-à-dire à procéder à son incinération (D.ieu préserve !).

L’homme de JEM, en entendant cela, contacta immédiatement le Chalia’h local, l’émissaire du Rabbi dans cette ville. Celui-ci procéda aux coups de téléphone nécessaires pour organiser un enterrement juif traditionnel pour la défunte qui avait eu l’honneur de connaître « Mister Mena’hem » plus d’un demi-siècle auparavant.

Le Rabbi avait veillé jusqu’au bout à cette petite fille, lui évitant au dernier moment l’incinération et veillant, par l’intermédiaire de ses émissaires, à lui assurer les derniers honneurs.

Yerachmiel Tilles – Ascent – Safed

Traduit par Feiga Lubecki