L’emprisonnement de Yossef s’achève enfin quand le Pharaon rêve de sept vaches grasses avalées par sept vaches maigres et de sept épis de blé pleins de grains avalés par sept épis rabougris. Yossef interprète ces rêves comme annonçant que sept années de richesse seront suivies de sept années de famine. Il conseille au Pharaon d’emmagasiner du grain pendant les années d’abondance. Le Pharaon nomme Yossef gouverneur d’Egypte. Yossef se marie avec Asnat, la fille de Poutiphar et a deux fils, Menaché et Ephraïm.
La famine se répand dans la région et seule l’Egypte dispose de nourriture. Dix des frères de Yossef s’y rendent pour y acheter du grain. Le plus jeune, Binyamin, reste à la maison car Yaacov a peur pour lui. Yossef reconnaît ses frères mais eux ne le reconnaissent pas. Il les accuse d’espionnage, insiste pour qu’ils fassent venir Binyamin, afin de prouver leur honnêteté, et garde Chimon en otage. Ils découvriront plus tard que l’argent qu’ils ont payé leur a été mystérieusement restitué.
Yaacov n’accepte d’envoyer Binyamin qu’après que Yehouda ait pris la responsabilité de le ramener. Cette fois-ci, ils sont cordialement reçus par Yossef qui libère Chimon et les convie à dîner chez lui. Il cache un gobelet d’argent, aux pouvoirs magiques, dans le sac de Binyamin. Le lendemain matin, alors que les frères s’apprêtent à prendre le chemin du retour, ils sont poursuivis, fouillés et arrêtés lorsque le gobelet est découvert. Yossef offre de les libérer à condition de garder Binyamin comme esclave.
La vérité de la Torah
Plusieurs opinions existent, selon l’opinion générale, à propos des récits de la Torah. Certains affirment que toutes les histoires doivent être comprises comme symboliques et allégoriques. Leur but, disent-ils, est de nous enseigner des leçons dans le service Divin et non de relater l’histoire.
La perspective traditionnelle veut que chaque récit de la Torah soit considéré comme la chronique d’événements s’étant réellement produits.
L’approche ‘hassidique emprunte une troisième voie. Pour citer une référence cabalistique, disons que «la Torah parle des royaumes supérieurs et fait allusion aux royaumes inférieurs».
Cela signifie que tous les récits de la Torah sont une description des relations qui unissent les attributs Divins, dans les sphères célestes. Néanmoins, puisque l’existence matérielle est une expansion de l’existence spirituelle, tout ce qui se passe dans le monde spirituel est reflété dans ce monde. Chaque récit de la Torah est donc le rappel d’un événement concret mais cet événement lui-même évoque bien plus que ce qui ne fait qu’apparaître dans le monde matériel. Il s’agit d’une dynamique qui commence dans les sublimes sphères spirituelles et a des ramifications dans notre existence elle-même.
L’infini dans des chaînes
Ces concepts apparaissent dans la Paracha de cette semaine, Mikets, qui se concentre sur la libération de prison de Yossef. Yossef sert d’analogie pour le Peuple Juif. Car son nom, signifiant «ajouter», se réfère à un potentiel infini et illimité de croissance, c’est-à-dire à l’âme que chacun de nous possède : «une réelle partie de D.ieu, En-Haut».
Cela va encore plus loin. La prière que récite Ra’hel, quand elle nomme son fils Yossef, «Que D.ieu m’ajoute (Yossef) un autre fils (Ben A’hèr)» fait allusion à la mission spirituelle du Peuple juif. Les entités qui, jusqu’ici, ont été A’hèr, («autre», étranger à son essence divine) sont rapprochées et considérées avec la proximité d’un ben («un fils»).
La prison dans laquelle Yossef est retenu se réfère au corps, à l’existence matérielle en tant qu’entité. Cela tend à confiner la force infinie de l’âme et à en nier l’expression. Bien que D.ieu ait donné à l’homme Sa Torah, Sa Volonté et Sa Sagesse, la Torah n’en est pas moins affectée par les limites de l’existence matérielle et sa source Divine n’est pas toujours évidente.
Une fin aux limites
Le premier verset de la Paracha de cette semaine évoque ces concepts : Vayehi Mikets Chnatayim Yamim, «et il se produisit à la fin de deux années». «Deux années» renvoie à la Torah qui comporte deux éléments : la Torah Ecrite et la Torah Orale. Dans son existence confinée dans la matérialité, sa force paraît avoir un kets, «une fin» et «une limite». Pourtant, parce que Yossef, c’est-à-dire dans notre analogie le Peuple juif, est illimité dans son essence, le Kets, c’est-à-dire les restrictions de l’existence matérielle, deviendront finalement Vayehi, quelque chose qui appartient au passé.
Yossef quitte la prison et devient dirigeant de l’Egypte.
Dans notre analogie, cela signifie qu’un Juif est envoyé dans ce monde pour révéler la Divinité. C’est le but de son existence et ce but sera finalement atteint. La nature matérielle de l’existence profane peut, initialement restreindre l’expression de la véritable nature du Juif. Mais ces limites ne sont que temporaires. En dernier ressort, tout comme Yossef devint le maître de l’Egypte, chaque Juif deviendra une source de puissance spirituelle, démontrant à quel point l’infinie Divinité peut imprégner l’existence matérielle finie.
Faire de la fin un commencement
On peut encore approfondir cette idée en faisant le lien entre un point de grammaire hébraïque et un concept mystique. Le mot Mikets peut signifier «au commencement» ou «à la fin». Dans la même veine, le Zohar parle de Kets Dismola, «la fin gauche» et de Kets Hayamin, «la fin droite».
Pour appliquer ces concepts à notre Paracha, la question est de savoir si Mikets se réfère à la fin des deux années d’épreuves et de tribulations de Yossef en Egypte ou au commencement des deux années menant à sa prise de pouvoir.
Selon la première interprétation, Mikets fait allusion aux épreuves les plus difficiles que Yossef rencontra en Egypte, car c’est avant l’aube que l’obscurité se fait la plus sombre. Selon la seconde interprétation, Mikets évoque l’aube de la rédemption de Yossef.
Il existe un lien entre les deux. Enfouies dans les difficultés de Kets Dismola, les derniers moments de l’exil, se trouvent des étincelles divines. Faire face à ces difficultés fait jaillir ces étincelles et apporte Kets Hayamin, le commencement de la Rédemption.
Il arrive que l’on parle du Peuple juif en l’appelant Yossef. Que la transition vécue par Yossef se manifeste pour notre peuple dans son intégralité. Car nous aussi avons rencontré les difficultés de l’exil et attendons avec impatience la révélation de Kets Hayamin, les premiers rayons de la Rédemption. Que cela se produise dans le futur immédiat !