Toledot
Rav Its’hak de Cracovie désirait construire une nouvelle synagogue pour sa communauté mais il n’en avait pas les ressources financières. Une nuit, il rêva qu’un trésor était enfoui sous un pont de Prague. Le lendemain, il se mit en route, une pelle à la main, en direction de la capitale tchèque.
Quand il atteignit la ville, sa joie fut extrême. Le pont lui apparaissait exactement comme dans son rêve. Mais quand il commença à creuser, il sentit une main ferme attraper le bras.
– Que fais-tu ? Tu n’as pas le droit de creuser ici, lui lança un garde.
Rav Its’hak raconta toute l’histoire au garde : son désir de construire une synagogue, son rêve de trésor caché et son voyage depuis la Pologne.
– Stupide que tu es, se moqua le garde. Depuis plusieurs nuits, je rêve d’un trésor caché sous le poêle d’un juif appelé Its’hak qui habite à Cracovie. Et tu crois que je ferais tout le chemin jusqu’à Cracovie pour trouver ce trésor ?
Rav Its’hak sourit et rentra chez lui. Il creusa sous son poêle, trouva le trésor et construisit sa synagogue.
Ce qu’il cherchait était enterré dans sa propre maison…
La Paracha de cette semaine commence par les mots : «Voici les générations d’Its’hak», se référant à Yaakov et Essav dont la naissance et les premières années sont relatées dans la lecture de la Torah. Le récit aborde un problème auquel bon nombre d’entre nous doit faire face. Its’hak était un homme d’une perfection absolue. Très tôt, il avait été prêt à donner sa vie en sacrifice à D.ieu sur le Mont Moriah. Et par la suite, bien qu’un bélier eût été offert à sa place, il fut toujours considéré comme saint, comme un sacrifice vivant. C’est pour cette raison que, contrairement aux autres Patriarches, D.ieu ne le fit pas quitter Israël. Il était saint et devait donc vivre en Terre Sainte.
L’un de ses fils, Yaakov, imita sa voie de sainteté. C’était un «résident des tentes», ayant choisi de fréquenter les maisons d’étude de l’époque. Mais son autre fils, Essav, était un chasseur, un homme de violence et de passion.
Et malgré tout, Its’hak aimait Essav
Certains avancent qu’Essav savait le tromper. En présence d’Its’hak, il paraissait saint et à son insu, il faisait ce qu’il voulait. Mais cela semble mésestimer Its’hak. Et cela va même à l’encontre de l’un des thèmes fondamentaux du travail de sa vie.
Il creusait des puits.
Quel est le secret de celui qui creuse des puits ? Ne pas accepter ce qu’il voit à la surface mais creuser profondément, enlever toutes les impuretés pour atteindre «l’eau de la vie».
Its’hak procédait ainsi, non seulement avec les puits mais avec chacune des expériences de sa vie. Il sondait jusqu’au fond et parvenait à apprécier la profondeur intérieure.
Si donc il agissait constamment ainsi, pourquoi ne le faisait-il pas avec son fils ?
Et si Essav le trompait, pourquoi l’aimait-il tant ?
C’est précisément pour cette raison elle-même. Quand on creuse, tout dépend jusqu’où l’on va. Si l’on ne fait que déblayer ce qui se trouve un peu plus loin de la surface, il se peut que l’on découvre des passions et des penchants qui ne sont pas si plaisants.
Mais si l’on aime réellement la personne en question, l’on ne s’arrête pas là. On creuse plus profondément encore jusqu’à trouver la part essentielle de Divinité qu’elle possède. Car l’âme de chacun est une réelle partie de D.ieu. Chez certains, elle brille de façon visible et chez d’autres, elle est très cachée. Puisqu’Its’hak aimait Essav, il ne se concentrait pas sur ses traits de caractère moins louables mais sur le bien qui était enfoui en lui.
Cela nous permet également de comprendre pourquoi il voulait lui accorder ses bénédictions. Il s’évertuait constamment à le motiver pour qu’il parvienne à exprimer son potentiel spirituel. Il ressentait qu’en déversant sur lui tant d’énergie positive, il parviendrait à réveiller le bien enfoui en lui pour qu’il domine sa personnalité.
Mais dans les faits, les bénédictions furent données à Yaakov. Car le travail qui consistait à révéler le bien en Essav ne pouvait s’accomplir en un laps de temps limité.
Il s’agit en fait du but de nos efforts dans l’histoire spirituelle du monde, y compris dans cet exil final auquel l’on se réfère comme à «l’exil d’Edom», autre nom d’Essav. Nous travaillons à révéler cette énergie spirituelle, ces «étincelles» investies dans l’expérience mondaine associée à Essav.
L’aboutissement ultime de ces efforts se produira à l’Ere de la Rédemption quand «les libérateurs monteront sur le Mont Sion pour juger la montagne d’Essav et la souveraineté sera celle de D.ieu ». Alors, la puissance des énergies spirituelles que possède Essav fera surface et s’exprimera de façon appropriée.
Les perspectives
Le nom d’Its’hak est associé à la joie, car comme le relate la Torah, il reçut ce nom car «D.ieu m’a fait rire». Comme nous l’avons mentionné, le service divin d’Its’hak impliquait de pénétrer profondément dans les entités naturelles et faire jaillir à la surface leur quintessence divine. Et cette transformation de l’obscurité en lumière fait naître les plus grands plaisirs, les plus grandes satisfactions, la plus grande joie.
Le youd, la première lettre du nom hébraïque d’Its’hak, indique le temps futur. Car ce n’est qu’au Futur ultime que le bonheur se manifestera dans son sens plein. Au présent, bien que nous soyons conscients du fait que notre service divin raffine le domaine matériel, les fruits de ces efforts ne sont pas visibles. Dans le Futur, «la gloire de D.ieu se révélera et toute chair verra». Les effets bienfaiteurs des milliers d’efforts que l’humanité a consacrés au raffinement de l’existence matérielle seront apparents.
Its’hak, par les efforts qu’il a investis dans le monde matériel, pour pénétrer son essence et révéler «les eaux de la vie» sert d’exemple pour ce mode de service divin. C’est la raison pour laquelle nos Sages relatent que dans le Futur ultime, notre Peuple donnera la préséance à Its’hak lui déclarant : «Tu es notre ancêtre».
Malgré le fait que le service divin n’atteindra son expression entière que dans le futur, nous avons la possibilité d’avoir un avant-goût de l’Ere future, dès à présent : il suffit de regarder chaque entité comme elle existe réellement, au-dessus des fluctuations du temps, dans son véritable statut de perfection. Cette perception nous offre un éclairage qui nous guide, nous inspire et nous dirige dans notre tâche de raffinement et précipite l’avènement de l’Ere où la réalité spirituelle se manifestera véritablement dans notre monde matériel avec la venue de Machia’h.